Mlle Marit Kapla est autrice et journaliste suédoise. Elle est née en 1970 et grandit dans le petit village d’Osebol, dans l’ouest de la Suède. Elle est directrice artistique du Festival international du film de Göteborg de 2007 à 2014, créatrice et directrice de programme Draken Film de 2014 à 2015, et l’une des rédactrices en chef du périodique culturel Ord & Bild de 2016 à 2020. Elle est membre de la direction de Svenska PEN. En avril 2019, elle fait ses débuts littéraires avec Osebol, un ouvrage extraordinaire basé sur des entretiens avec la quasi-totalité des habitants de son village natal. Osebol lui vaudra le prix August 2019, le prix Guldpennan 2019 du Club des publicistes suédois, le Studieförbundet Vuxenskolans författarpris 2019, le prix des débutants Borås Tidning 2020, le Göran Palm-stipendiet 2021 ainsi que le Prix Warwick pour les femmes en traduction 2022, et est retenu pour le British Academy Book Prize for Global Cultural Understanding 2022. Son dernier ouvrage, Kärlek på svenska (litt. L’Amour en suédois), paraît le 24 août 2022 et consiste en des entretiens avec des individus à travers la Suède au sujet de l’amour, réalisés par le cinéaste documentaire Staffan Julén pour son film du même nom.
© Picture Cato Lain
Dans Kärlek på svenska (L’Amour en suédois), nombre d’individus de différents âges et origines se livrent à cœur ouvert sur la présence de l’amour dans leurs vies. Chacun d’entre eux vit quelque part en Suède, d’Ystad dans le sud du pays à Karesuando dans le nord. Leurs expériences et formulations uniques forment le noyau dur de cette représentation lyrique et frappante des termes et conditions de l’amour aujourd’hui. Les textes sont des citations d’entretiens mot-pour-mot réalisés par Staffan Julén pour son film documentaire du même nom.
Le lecteur part également à la rencontre des 31 individus, les uns à la suite des autres, du plus âgé au plus jeune. Le texte est disposé comme de la poésie, soulignant toute la joie et tout le malheur que l’amour nous apporte. Les personnes interviewées parlent :
Alice Staffan Beckman, 87 ans : du dernier souffle de vie de sa Karin bien-aimée, et de comment Karin lui rappelait Marianne, l’une de ses premières flammes, avec laquelle elle avait rompu parce que ses parents n’approuvaient pas les origines de son amie.
Inger Alfvén, 79 ans : de sa première flamme, une camarade de classe appelée Anna avec qui elle vécut une intense relation platonique pendant quelques années, qui finit par la désintéresser lorsqu’Anna commença à lui ressembler, à adopter ses propres comportements.
Lena Eklund, 79 ans : de comment elle est tombée amoureuse d’une collègue, de comment la société considère toujours les couples homosexuels comme quelque chose d’anormal.
Maj Doris Rimpi, 76 ans : de sa vie en tant qu’artiste Sami qui parcourt le monde, et qui vit aujourd’hui tranquillement dans un petit chalet, en compagnie de ses deux rennes.
Doris Sundholm, 76 ans : de son mariage de plus de 50 ans avec Christer, avec qui elle gère une supérette, et de l’éducation de trois fils.
Gittan Frejhagen, 75 ans : de la gratitude qu’elle ressent d’avoir pu commencer, alors qu’elle était dans la cinquantaine, une nouvelle vie avec Lollo.
Marianne Davidson, 74 ans : de comment elle rencontra Janne sur un site de rencontres, et de comment la pandémie lui a fait vivre le confort d’une vie paisible avec ce dernier et leur chien.
Lasse Labba, 71 ans : de la vision restreinte de l’amour et de la danse dans le contexte religieux Sami de sa jeunesse, et de comment il rencontra sa partenaire lors d’une danse, même si le talent pour la discipline lui faisait défaut.
Carl-Gustav Wachtmeister, 69 ans : de la force qu’on peut construire dans un long mariage, et de ce dont ce mariage a besoin pour surmonter l’infidélité.
Janne Björklund, 68 ans : de comment il rencontra Lin en Thaïlande, y construisit une maison pour elle et ses enfants, et de son chagrin pour sa mort prématurée, due au cancer.
Mats Wilkström, 65 ans : des effets d’une histoire d’amour chaotique qui vous donne le syndrome du cœur brisé.
Hasse Karlberg, 61 ans : de sa vie avec Camilla, entourés tous les deux par leurs chiens, poules et innombrables autres animaux, qui les aident à surmonter les défis du trouble bipolaire.
Sanny Laurin, 61 ans : des effets d’être abandonné par un amant, des ressemblances entre l’art et l’amour et de comment la créativité peut nous consoler, lorsqu’on a le cœur brisé.
Maricarmen Sempértegüi, 59 ans : de quitter la Bolivie pour rejoindre la Suède avec trois enfants, de tenter d’échapper aux modèles de relations destructrices basées sur le machisme, en trouvant un nouvel avenir.
Anna Oldner Bengtsson, 56 ans : de ce que ça fait de trouver le grand amour au déclin de sa vie, et de devoir le voir succomber à la maladie quelques années plus tard.
Fabian Torsson, 55 ans : de tomber follement amoureux sur un site de rencontres, et des difficultés d’organiser toutes les composantes d’une nouvelle vie.
Beatrice Johansson, 55 ans : d’accepter une enfance influencée par un père sans cœur, de réaliser aujourd’hui des voyages réguliers dans un couvent italien pour trouver l’amour dans la communauté des religieuses et des autres visiteurs.
André Estrada, 54 ans : des difficultés à trouver l’amour, et de ce que ça fait de constamment vivre seul.
Carina Lloyd, 54 ans : de trouver l’amour après avoir divorcé du père de ses enfants, et de revenir sur les nombreuses années d’une relation à distance.
Tatjana Ristovski, 53 ans : de retrouver un amour d’adolescence 27 ans plus tard, de se rendre compte que vous êtes toujours faits l’un pour l’autre.
Dmitri Plax, 50 ans : du chagrin inimaginable lors du meurtre de son fils chéri, Peter, et de comment la vie est devenue gérable lorsque de nouveaux membres de la famille sont arrivés de façon inattendue, dont il fallait s’occuper.
Yasmine Garbi, 48 ans : de comment elle n’arrivait pas à oublier la brève idylle qu’elle avait vécue avec Michael, et de comment ils se sont retrouvés des décennies plus tard.
Christofer Bocker, 43 ans : des rencontres à l’ère du COVID-19, lorsque la frontière entre la Suède et la Norvège fut subitement patrouillée par l’armée.
D’amour Nordkvist, 42 ans : de ses propres expériences de comment des origines multiculturelles peuvent former des obstacles au sein d’une relation.
Aslat Simma, 40 ans : des petites choses qui font fleurir l’amour et qui durent dans la vie de tous les jours, comme lorsque notre partenaire nous prépare un café pile au bon moment, sans que nous ne l’ayons demandé.
Erica Huuva Simma, 39 ans : de rencontrer son partenaire en cours, et des petites étapes qui restent importantes vers la formation d’une relation et d’une famille.
Helena Granström, 36 ans : de comment l’expérience d’être avec quelqu’un ne peut jamais complètement être tout à fait partagée avec l’autre, peu importe la proximité physique.
Benjamin Ulbricht, 34 ans : de s’il a rencontré l’amour de sa vie dans un couvent, il n’a jamais été question de choisir entre l’amour et Dieu.
Francine Kaneza, 26 ans : de ce que l’on fait quand on se rend compte après trois ans que sa relation n’est pas basée sur l’amour, mais sur le besoin de l’autre de nous contrôler.
Elias Bernmarker, 23 ans : des progrès lorsque l’on avance à un niveau plus profond de la relation avec son partenaire, et que, pour la toute première fois, vous vous dites que vous vous aimez.
Ebba Akterin, 21 ans : des avantages et inconvénients des rencontres sur Tinder, et du paradoxe que la personne que l’on recherche pourrait être le genre de personne qui ne fréquenterait jamais Tinder.
Agent / Rights Director
Publishing House
Excerpt
Marit Kapla
Kärlek på svenska
Teg Publishing, 2022
Marianne Davidson, 74år
Det var en sajt på nätet.
Asta som är bibliotekarie i Simrishamn
sa till mig
att jag skulle gå in där.
Då hade jag lagt upp min sajt
men ingen bild
för Simrishamn är inte så stort.
Så la jag ut en bild
på mig själv i en växtfärgad mössa
som jag har stickat.
Den var bara ute någon timma
och så ryckte jag den.
Då lyckades Janne se det
och kände igen mig.
Han hade sett mig på torget
i den här mössan.
Vi hade skrivit någon gång innan
så då gav inte han med sig.
Han skrev och skrev flera gånger
och jag svarade.
Jag hade opererat handen
och kunde inte lämna Gladsax.
Då kom han ut
och hade Sigge med sig.
Det blev succé.
Inte bara Janne
mest Sigge.
Han var änkling
änkeman
och hade levt ensam i två år.
Jag hade också levt ensam i två år.
Vi började träffas
käka middag tillsammans
gå ut med Sigge
och göra grejer.
Det är inte så himla roligt
att alltid gå någonstans
och vara ensam.
Under de tiderna jag har varit ensam
det är tre perioder
då har man väldigt lite socialt liv.
Det är som att det bara går att ha
ett jämnt antal stolar
runt ett bord.
Att man inte kan ha
ett ojämnt antal.
Går man ut någonstans när man är ensam
alla män som är där
de är ditsläpade.
Det är väl en gång som jag har varit bjuden
när det har varit
ett udda antal människor
och människor i olika typer av relationer.
Livet är så konventionellt.
Det är inrättat efter
att man ska vara två och två
hur lyckliga eller olyckliga
människor än är.
Janne Björklund, 68år
Det var en bar som jag brukade gå på.
Jag hade träffat henne förut
när jag var i Thailand.
Men hon hade stuckit ifrån den baren.
Hon var uppe i norra Thailand någonstans.
Då ringde barägaren till Lin.
Jag var där
för att jag skulle sätta in nya tänder
men nu syns inte det.
Annandag jul tror jag
var det jag träffade henne.
Hon kom dit.
Piffade upp sig rätt mycket.
Sen for hon med hem till hotellet.
Och då bodde vi där.
Sen åkte vi mellan mitt hotell
och hennes systers hotell i Phuket.
Hon satt jämte mig.
Vid tandläkaren och allting.
Sex veckor.
Vi fick gå med teckenspråk
eller hur man gör.
Det fungerade någorlunda.
Sen tog jag hit henne till Sverige
året efter.
Tre månader fick de stanna utan visum.
Först var det väldigt jobbigt för henne.
Då kunde hon ingen svenska.
Men hon var duktig.
Vi köpte böcker
inne i bokhandeln i stan.
Det stod på engelska, thai och svenska.
Nästa år hon kom här
då kunde hon svenska rätt bra.
Hon jobbade mycket nere i Burgsviks camping
och tjänade lite pengar.
Hon var väldigt fattig kan man väl säga.
Hon hade ingen klocka
och ingen mobiltelefon.
Men det köpte jag till henne.
Dmitri Plax, 50år
Jag har fortfarande inte förståt
att Peter är borta.
Det har gått tio månader
och jag förstår det rent faktamässigt.
Jag förstår att han inte lever längre.
Men jag förstår det inte
samtidigt.
Hans grav på kyrkogården
har ingenting med honom att göraa
Du frågade
om tanken på att kärleken inte försvinner
bara för att objektet försvinner
om det hjälper.
Det hjälper inte.
Det är mitt svar
Excerpt - Translation
Love in Swedish
Marit Kapla
Translated into English by Linda Schenck
The text is based on interviews made by documentary filmmaker Staffan Julén for his film LOVE IN SWEDISH.
Marianne Davidson, age 74
There was this website.
Asta the librarian in Simrishamn
suggested
I look at it.
I already had a profile
but no photo
since Simrishamn’s not a big place.
So I added a picture
of myself in a cap of hand-dyed yarn
I had knitted.
After just an hour or two
I took it down.
But Janne had time to see it
and recognized me.
He’d noticed me at the market
in that cap.
We’d chatted once or twice before
so this time he didn’t give up.
He kept writing and writing again
and I answered.
I’d had hand surgery
and couldn’t get out of Gladsax.
So he came over
and brought Sigge along.
That was a hit.
Not only Janne
mostly Sigge.
He was a widower
lost his spouse
and had been living alone for two years.
I’d been living alone for two years myself.
We started seeing each other
having dinner together
taking Sigge out
and doing stuff.
It’s not a barrel of laughs
always going places
by yourself.
During the times I’ve been alone
there were three such periods
you don’t have much of a social life.
It’s as if there can only be
an even number of chairs
around a table.
As if you couldn’t have
an odd number.
If you go out somewhere when you’re alone
all the men there
they’ve been dragged along.
I think only one time I was invited out
and there were
an odd number of people
and people in different kinds of relationships.
Life is so conventional.
It’s arranged by
the idea that people are meant to exist two by two
however happy or unhappy
they might be.
And then he broke up with me once.
We were at the market at Kivik.
I had a stall and was selling
I was in my element.
He used to sell at Kivik market too.
He’s a bookseller.
That time he was supposed to help me
set up my market stall
but it didn’t work out.
And I was the one who knew exactly how to do it.
The next day he broke up.
The day after that
he called and said
Sigge was very cross with him.
Janne Björklund, age 68
There was this bar I used to go to.
I had met her before
when I was in Thailand.
But she’d left that bar.
She was up north in Thailand somewhere.
So the owner of the bar phoned Lin.
I was there
to get a new set of teeth
though you can’t tell now.
Boxing Day I think
it was when we met again.
She came in.
Had fixed herself right up fancy.
Then she went back to the hotel with me.
After that we lived there.
Later we were back and forth between my hotel
and her sister’s hotel in Phuket.
She sat next to me.
At the dentist’s and all.
Six weeks.
We had to get by with sign language
or whatever people do.
It worked pretty well.
I brought her back here to Sweden
the next year.
Three months they could stay without a visa.
At first it was really hard for her.
She didn’t know any Swedish back then.
But she was a good learner.
We bought books
at the bookstore in town.
The words were in English, Thai and Swedish.
The next year when she got here
she was pretty good at Swedish.
She worked a lot down at the Burgsvik campsite
and earned a bit of money.
She was very poor you might say.
She didn’t have a watch
or a cellphone.
But I bought ‘em for her.
Dmitri Plax, age 50
I still can’t believe
that Peter is gone.
Ten months have passed
and I understand the facts.
I understand that he is no longer alive.
But at the same time I
cannot understand it at all.
His grave in the cemetery
has nothing to do with him.
You asked
about the idea that love doesn’t go away
just because its object does
whether that helps.
It doesn’t help.
That’s my answer.